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A toi, l’épiscope...

5 février 2023

L’épiscope était, dans les premières décennies du christianisme le responsable chargé de veiller à la cohésion et à la fidélité de l’enseignement des apôtres.

Je m’adresse à toi l’épiscope, car ton trouble est profond au moment où tant de tes frères évêques, prêtres, religieux de tous ordres sont accusés d’abus sexuels ou spirituels et de crimes contre des faibles. Ton église entière est ébranlée, c’est la mienne aussi et j’en suis meurtri au plus profond de mon être.

Pas une semaine ne passe sans qu’une nouvelle affaire ne soit révélée, plus crue et plus horrible encore que la précédente, augmentant encore le nombre de victimes connues déjà tellement nombreuses. A chaque fois que vient au grand jour un nouveau cas, j’imagine que toutes les victimes des abus se sentent replongées malgré elles dans les heures les plus sombres de leurs existences, et soulagées que cela se sache enfin. Il y aura encore des annonces et encore des révélations touchant les plus hauts responsables de l’église catholique.

Ô toi l’épiscope, te voilà démuni devant un tel désastre qui efface d’un trait de crayon toute la beauté d’une parole qui est vie et promesse d’un monde plus juste ! Que faire et que devenir quand tout un système s’effondre, quand même ceux qui sont irréprochables et dignes de confiance se sentent regardés et même soupçonnés, perdant d’un coup une grande part de leur légitimité ? Tu cherches des réponses et pries ton Dieu pour que cela cesse et qu’enfin tu puisses trouver dans ta mission un peu de paix. Tu aimes dire que l’Église est un corps mais pour beaucoup de femmes et d’hommes de notre temps, ce corps tout entier s’est servi de son pouvoir spirituel pour manipuler, agresser, toucher l’intouchable, violer les plus faibles.

Les mots sont durs mais la Bonne Nouvelle ne pourra parcourir la terre à nouveau tant que la totalité des victimes ne se sera pas exprimée et que les auteurs des crimes même les plus hauts placés et les plus protégés ne seront pas reconnus coupables. Nul ne peut juger les personnes mais c’est un devoir de condamner les actes. Nul n’est pur ou impur, bon ou mauvais, enfant de Dieu ou enfant du diable, car nous avons tous en nous lumière et ombre, bien et mal, même si nous ne sommes pas tous criminels.

Ô toi l’épiscope ou toi le pasteur, que peux-tu faire pour dire et redire la tendresse et l’amour de notre Dieu ? As-tu le pouvoir de changer l’ordre des choses et des mots pour que la morale laisse la place à l’amour inconditionnel et respectueux de l’autre ? Tu exprimes tristesse et solitude car ces crimes prennent beaucoup de place, peut-être est-ce à ce prix qu’une nouvelle naissance est possible !

L’amour me semble difficile pour n’importe quel être vivant s’il n’a pas fait un minimum de chemin pour se connaître lui-même dans ses forces et ses faiblesses et s’aimer lui-même comme une image du divin. Demande donc au criminel s’il s’aime ou s’il se cache derrière un masque ou son habit sacerdotal comme derrière un bouclier pour se supporter et exister encore ! Demande à la victime où elle en est sur le chemin de l’amour de soi et des autres et si elle est en capacité de parler d’amour. Celui qui n’a pas appris à s’aimer n’a pas encore commencé son chemin spirituel car il est incapable de se reconnaître comme image de Dieu, empli du souffle originel.

Depuis quarante ans, soixante-dix mille prêtres ont quitté le ministère, la plupart pour se marier - j’en fait partie. N’est-ce pas un message suffisamment éloquent pour envisager d’ordonner des hommes mariés ou au moins leur laisser le choix du célibat ou d’une autre manière de vivre ?

Ce qui me pèse aussi après la révélation de ces crimes, c’est d’avoir été écarté du ministère parce que j’ai pris la liberté d’aimer, de me marier et de devenir père. En même temps, le ministère a été conservé à des centaines de prêtres et d’évêques dont les crimes commencent seulement à être reconnus. Ils ont continué à prêcher, à célébrer les sacrements, à diriger des consciences, en toute impunité. Le tabou du corps et de la sexualité, le manque de formation et d’écoute, la fonction des clercs mise sur un tel piédestal ont conduit à des dérives tellement difficiles à réparer aujourd’hui.

Depuis quelques temps, toi, l’épiscope, tu fais attention à donner davantage de place aux femmes dans ton organisation et tes prises de décisions, c’est un bon début. Mais combien de femmes, religieuses ou non, annoncent discrètement l’Évangile, soignent, accompagnent, enseignent sans jamais rien demander en retour ? Combien ont suivi des cours de théologie et des études bibliques, ont été diplômées et acquis un savoir et une expérience spirituelle qui font exemple ? Et que serait la catéchèse et l’annonce de l’Évangile sans les femmes ? Eh bien qu’elles baptisent, confirment, marient, qu’elles soient ordonnées diaconesses, prêtres, évêques, qu’elles soient nommées cardinales ou élues pape ! Et sans tarder.

« Dieu crée l’humanité à son image, homme et femme il les créa » Livre de la Genèse 1,27

J’émets juste un souhait et je sais intérieurement qu’il va se réaliser : que toi l’épiscope avec tes frères évêques, prêtres ou diacres, vous osiez devenir prophètes pour notre temps comme l’ont été Isaïe, Jérémie, Ezéchiel, Osée, Amos, Jonas, Michée, Zacharie ou Sophonie en leur temps ! Ils ont porté la parole au risque de leur vie pour dénoncer ce qui était contraire à la foi authentique et aux messages des pères.

En relisant les lettres de Paul, j’ai trouvé cette parole qui invite à poser notre regard sur les responsabilités dans l’église au 1er siècle de notre ère :

Elle est digne de confiance, cette parole : si quelqu’un aspire à l’épiscopat, c’est une belle tâche qu’il désire. Aussi faut-il que l’épiscope soit irréprochable, mari d’une seule femme, sobre, pondéré, de bonne tenue, hospitalier, capable d’enseigner, ni buveur, ni batailleur, mais doux ; qu’il ne soit ni querelleur, ni cupide. Qu’il sache bien gouverner sa propre maison et tenir ses enfants dans la soumission, en toute dignité : quelqu’un, en effet, qui ne saurait gouverner sa propre maison, comment prendrait-il soin d’une Église de Dieu ?

Première Lettre de Paul à Timothée 3,1-5

Jésus aussi, petit rabbin de province, a remis en cause dans la lignée des prophètes les pratiques des prêtres de Jérusalem, y compris les plus hauts placés ! Lui, L’enfant de la crèche, le rabbin de Nazareth, le crucifié du Golgotha est reconnu aujourd’hui dans le monde entier comme le Fils de Dieu ou l’Être Lumière par excellence.

Je me trouve un peu osé de m’adresser à toi de cette façon, l’épiscope, j’ai choisi de parler librement, avec un infini respect pour celles et ceux qui vivent et transmettent la Parole du Créateur et avec le souhait que l’église qui m’a façonné se transforme en accueillant à nouveau le Souffle des origines.

A Odette et aux autres victimes - d’après le psaume 109 - Psaumes insolites- Texte créé à la suite de la projection du film « Les chatouilles » d’Andréa Bescond et Éric Métayer

Dieu de mes psaumes,
Sors de ton silence,
Sous mes strophes est cachée une souffrance,
Mes agresseurs, eux, ont la vie sauve !
 
Contre moi s’ouvre la bouche d’un criminel,
Il parle de moi pour dire des mensonges,
Il m’accuse alors que j’étais sa proie,
Il me combat pour sauver son honneur.
 
Pour le prix de ma faiblesse, il m’accuse
Alors que je ne cesse de prier et de supplier,
Il me rend le mal pour le bien,
Je crie, je danse ma colère !
 
Il dit : « Chargeons un juge de lui faire un procès,
Donnons de l’argent pour qu’elle se taise,
A son procès qu’on la déclare fabulatrice,
Que sa quête soit considérée comme une faute.
 
Sa vie ne vaut rien, ce n’est qu’une enfant !
Les faibles sont moins innocents qu’ils le disent,
Qu’on leur rappelle la faute de leurs parents,
Ils jouent les victimes et inventent des histoires. »
 
Ô mon Seigneur, vois, je suis perdue et angoissée,
Je n’ose parler, le poids que je porte est trop lourd,
Mon secret doit pourtant être dévoilé
Pour qu’enfin je puisse vivre !
 
Même mes proches, mes parents ne me croient pas,
Ils parlent et nient la réalité,
Ils me blessent en voulant me protéger,
Ô Seigneur, que justice soit faite !
 
Que mon agresseur soit reconnu coupable,
Que sa faute entre en lui comme l’huile,
Qu’elle soit l’étoffe qui l’habille,
La ceinture qu’il ne quitte plus !
 
Je ne veux pas entendre parler de pardon,
Je veux juste qu’il reconnaisse son mal
Et quitte son attitude de mépris.
Qui viendra réparer le mal qu’il m’a fait ?
 
Mais toi, Seigneur mon Dieu,
Tu agis pour moi et me comprends,
Libère-moi de ce que je porte depuis tant d’années,
Tu es fidèle en amour, sauve-moi !
 
Vois, je suis triste et malheureuse,
Au fond de moi, il n’y a que souffrance,
Je m’en vais comme le jour qui décline,
Mon corps est épuisé et mon âme est meurtrie.
 
Quand certains maudissent, toi tu bénis !
Ils voulaient garder leur fierté, ils sont humiliés !
Enfin la justice fait son travail,
Je trouve un peu de paix dans mon malheur.
 
De tout mon cœur, je te rends grâce, Seigneur
Car tu t’es rendu proche dans ma souffrance,
Je te louerai au milieu des priants.
Mais maintenant, serai-je capable d’aimer ?