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Aimer

6 avril 2022

Il y a comme un cercle vertueux à l’amour ou plutôt une spirale évoluant sans cesse de nos dépendances à nos libertés, du sentiment amoureux à la fécondité, du plaisir à l’amour de la vie, de la tendresse à l’union.

Nous sommes dépendants de nos désirs et de nos sentiments, ils peuvent être refoulés ou exprimés en liberté, mais ils sont là comme la manifestation d’une puissance de vie incroyable. Nous sommes émerveillés par la beauté du corps, de l’âme et de l’esprit. Nous croyons que l’être aimé est quasiment l’unique source de notre bonheur possible. Il y a de la gaieté dans l’air.

Les émotions sont belles ou surprenantes, les connaître et les maitriser apportent de la sérénité. Ce n’est pas simple car nous nous attachons facilement à l’extériorité des choses et pourtant le vrai bonheur est davantage intérieur qu’extérieur, il est propre à chacun. Nous ne le ressentons pas forcément au même moment et avec la même intensité. Nous sommes en perpétuelle attente d’un moment d’accomplissement et d’amour partagé et des fruits qui en seraient le signe.

C’est quand nous commençons à regarder tous deux dans la même direction que les sentiments amoureux laissent la place à la complicité et à l’amour.

Tant que l’amour reste dans le mental, il n’existe pas. C’est dans les actes qu’il prend corps, il n’y a pas d’amour sans preuves d’amour. « A quoi bon dire qu’on a de la foi si l’on ne fait rien ? La foi peut-elle sauver dans ce cas ? Si un frère ou une sœur n’a rien à se mettre et pas de quoi manger tous les jours et que l’un de vous lui dise : ‟Allez en paix et mettez-vous au chaud“ sans que vous lui donniez de quoi subsister, à quoi bon ? (…) En effet, de même que sans souffle le corps est mort, de même aussi sans les actes, la foi est morte. » Epître de Jacques.

Il en est de même pour l’amour.

Un acte d’amour passe par le corps. C’est un geste, un regard, un câlin, un échange de tendresses, une danse, un pas vers l’infini, « un corps à corps de deux âmes ». Un acte ne peut être dit d’amour que s’il est juste à ce moment-là pour les deux êtres qui s’aiment. C’est le consentement à s’aimer et se laisser aimer. Nous sommes reliés l’un à l’autre, les uns aux autres, dépendants aussi de nos enfants, de nos parents et de nos grands-parents et de ce qu’ils nous transmettent d’ombres et de lumières.

Il est bon d’être ensemble, de se retrouver, de sentir le lien charnel qui nous unit. C’est magnifique de découvrir ou redécouvrir à chaque fois les changements, les transformations dans lesquelles chacun s’est engagé, à commencer par son conjoint. Plus on est proche, plus il est bon d’être vigilant à porter un regard nouveau sur l’autre, et il faut reconnaître que ce n’est pas le plus facile. Aimer, c’est accepter de se laisser surprendre par l’autre, déstabiliser par une idée, un comportement, une nouvelle demande.

Notre enfant reste quelque fois notre petit alors qu’il est devenu depuis longtemps déjà notre frère ou notre sœur en humanité avec une vie qui n’a plus grand-chose à voir avec la nôtre. L’amour ou la bonté aimante tisse encore et encore le lien des âmes. J’ai beaucoup aimé à ce propos le livre de Marion Muller-Collard « Les grandissants » sur l’histoire du fils prodigue de l’Evangile. Le fils demande au père la part qui lui revient, et en plus de lui donner cela, le père lui répond qu’il lui donne en fait la vie qui lui revient. Ce livre est un trésor pour porter un nouveau regard sur nos liens familiaux. C’est en permanence qu’en tant que père et mère nous donnons la vie à nos enfants « vis ta vie », « deviens ce que tu es », « lâche les entraves qui t’empêche d’être toi », « coupe les fils qui te relient encore à moi, à nous ».

L’amour est d’autant plus fort que nous apprenons à réinventer les liens que nous nous sommes construits pour en tisser d’autres et nous remettre sans fin sur cet ouvrage d’art. Nous ne sommes en aucun cas propriétaire de la vie d’un fils, d’une fille, d’une mère, d’un père et d’un conjoint.

Aimer, c’est garder ce regard émerveillé du premier regard, du premier geste, du mystère de la vie dont le seul but est la rencontre. Aimer, c’est renouveler son regard libre et bienveillant sur l’autre avec l’énorme confiance que cet autre a en lui ou en elle la capacité et la puissance de vivre et de choisir, même si elle ou il passe par des zones d’ombres ou de doutes tellement inquiétantes que nous voudrions lui éviter cela. Mais sommes-nous tout en lumière pour ne pas accepter que l’autre passe par des zones sombres ? Aimer, c’est aussi abandonner cela, abandonner le contrôle sur l’autre ou le désir de le changer car le contrôle ou la peur sont contraires à l’amour.

L’amour est un mouvement qui ne connait pas l’arrêt sur image, aimer se conjugue exclusivement au présent, il ne supporte ni le poids du passé, ni les suppositions de ce que sera demain. J’aime comme je respire, c’est le souffle aimant du divin qui me traverse et m’envoie transmettre la joie tout autour de moi.

Mais de quel amour parle-t-on ? Un seul mot pour exprimer tant de choses et qui pourtant les contient toutes, un mot tellement grand qui va du désir à l’engagement, de l’émotion au don de la vie, du charnel au spirituel, de la tendresse de deux êtres à la compassion et l’amour universel.

Créés hommes et femmes, nos rencontres sont sexuées, l’attrait de la différence fait grandir la connaissance de nous-mêmes et notre capacité à aimer.

Il y a aussi la rencontre des âmes : dans les silences, l’allure et le regard, les âmes se parlent et se comprennent comme des sœurs, les corps se réjouissent de la présence de l’autre el les esprits communiquent avec une grande lucidité. Les rencontres ne sont jamais un hasard, chacune a quelque chose à nous apprendre, un chemin à ouvrir, une part de soi-même à transformer, une prise de conscience d’un passage à franchir. La rencontre de deux âmes est aussi naturelle que la rencontre du papillon et de la fleur.

« L’âme ne sait rien d’autre que l’amour » Maître Eckhart

Il est bon de prendre conscience du dialogue des âmes dès qu’on leur laisse un peu leurs places, cette petite part divine en soi qui ne demande qu’à rencontrer la part divine de l’autre et peut tout d’un coup envahir la vie et la rendre belle. Cette étincelle d’amour se met alors à briller entre deux êtres, elle n’est autre qu’une expression de l’amour divin. Dieu parle à Dieu à travers nos âmes et nous nous rencontrons par notre canal divin.

Choisir la vie, c’est choisir de rencontrer la part divine des êtres que je rencontre, les âmes sœurs sont alors nombreuses, présentes sans désir d’attachement. Lorsque j’envoie intentionnellement une bénédiction vers les personnes que je croise dans la journée ou auxquelles je pense, que j’engage une discussion ou non avec elles, j’ai la joie de croire que cette bénédiction réveille dans les cœurs la présence du divin.

Et puis il y a la magie de la vie à deux, quand deux êtres se rencontrent et décident de se lier « corps et âmes » : s’unir dans la présence de l’instant - se prendre dans les bras - se dire autant de milliers de fois que nécessaire des « je t’aime » créateurs de vie, verbes faits chairs - se combler de tendresse jusqu’à ce que l’union des corps devienne rencontre de la part divine de l’autre - se laisser émerveiller par ce que cet amour nous fait découvrir de l’autre et de soi-même - oser dire merci pour le don mutuel – se donner à l’autre en lâchant prise sur ses dernières peurs – montrer sa gratitude par des gestes tout simples qui rendent la vie quotidienne plus belle – c’est cela aimer, juste aimer.

Tout est-il si simple ? Oui bien sûr quand chacun désire cet amour de tout son être, l’essentiel prend alors toujours le dessus sur les blessures ou les différences. Non quand nos besoins évoluent et ne sont pas nommés ou nommés trop tard, quand notre ego se borne à vouloir changer l’autre ou refuse d’écouter les demandes que notre partenaire nous envoie ou de lire les signes.

"Leurs âmes seront comme un jardin bien arrosé" Livre de Jérémie

L’amour doit être irrigué comme un jardin où la terre est aérée, prête à recevoir de nouvelles semences. L’eau qui y coule est claire comme une source et les pluies la purifient encore. Le jardin de l’amour est fait d’ombres et de lumières, de soleil et d’orages, de temps paisibles où tout est harmonie. Chaque jour y est nouveau et les feuilles dansent avec la pluie, et les fleurs se tournent vers le soleil qui vient, et les herbes sont caressées par le vent. Un printemps est là, il paraît inéluctablement, et comme des enfants nous sommes émerveillés par sa douceur.

Le sentiment amoureux est présent même sous l’humus des ans, il ne demande qu’à renaître, plus beau encore, plus tendre et créateur de couleurs vives et de saveurs épicées. Ce n’est pas seulement un poème mais une expérience de vie enracinée dans un amour bien plus grand encore. Il est alors entre deux êtres une communion d’âmes qui fait éclore une liberté nouvelle dégagée de toute peur. C’est ce qu’appelle Blanche de Richemont « l’amour inconditionnel » *.

Vient alors le temps des récoltes, le temps d’aimer ensemble, de lire les étincelles d’amour qui brillent dans tous les êtres et la création tout entière. C’est le temps de la gratitude et de la joie intérieure et finalement d’une tendresse qui ne fait que s’amplifier. Des hivers peuvent encore venir, rudes, froids, venteux, peu importe, la lumière est là. Amour et pardon ne font qu’un.

« L’amour est un don, un élan, une force expansive (…). L’amour fait tomber les barrières et dissout les séparations, il unifie ce qui semble diversifié (…). L’amour est la source d’une transformation du monde, il est conscience de l’interdépendance entre tout ce qui est ». Michel Moché

Nous te bénissons - d’après le psaume 103 - Psaumes insolites

Mon âme au fond de moi se réjouit,
Tout doucement elle prononce ton nom,
C’est ma part de divin qui te rejoint,
Dans le secret de la prière je me lie à toi.
 
Dieu t’aime au-delà de tes errances
Et guérit ton cœur blessé.
Il t’invite à retenir ce qui est beau
Et te comble d’amour et de tendresse.
Il entoure de bonheur tes vieux jours,
Grâce à lui, ta jeunesse se renouvelle.
 
Le Miséricordieux t’invite à un acte de justice
Pour défendre avec lui les innocents,
Il confie ses merveilles à celle dont le cœur est pur
Et révèle ses projets à celui dont le cœur est ouvert.
 
« Le Seigneur est tendresse et bonté,
Lent à la colère et plein d’amour » *,
Aucun reproche ne sort de sa bouche,
Il ne retient que le beau et le bon.
 
Le ciel nous paraît si loin de la terre
Alors qu’il l’entoure de ses bras
Comme une mère le fait pour son enfant,
Ainsi la tendresse de Dieu pour tout être vivant !
 
L’amour de notre Dieu est de toujours à toujours
Et son message pour chaque génération ;
Il nous invite à garder ses volontés,
Avec chacun d’entre nous, il conclut une alliance
Et à tous les êtres de la terre, il ouvre un chemin.
 
Il nous connait chacun par notre nom.
A l’origine de toute vie,
Il est le Souffle et la Parole,
Fidèle compagnon de l’âme.
 
Témoins de sa présence, bénissez-le,
Détenteurs de sa parole, louez-le !
 
Vous les artisans de justice et de paix
Qui agissez dans le respect et la droiture,
Bénissez celles et ceux que vous rencontrerez,
Chantez aujourd’hui son nom dans l’univers entier !
 
Mon âme au fond de moi se réjouit,
Tout doucement elle prononce ton nom,
C’est ma part de divin qui te rejoint,
Dans le secret de la prière je me lie à toi.