Ecologie spirituelle

9 avril 2023

Notre monde est en train de vivre une transformation unique dans son histoire, avec pour certains une incertitude grandissante sur l’avenir. Nous pouvons avoir le regard rivé sur tout ce qui dérape et engendre la peur et la colère ou la tristesse : les flambées de violence, les cancers et les pandémies, les clivages de plus en plus marqués, les guerres, les catastrophes climatiques qui engendrent des drames humanitaires et écologiques. Des millions d’humains se déplacent ou se replient ne sachant pas si leur route va mener quelque part.

En habitant ce monde, notre regard peut aussi se tourner vers l’intérieur ou vers tous les êtres qui par leurs vies et leurs engagements montrent une réelle bonté. Même dans un environnement chaotique, nous avons la possibilité d’éprouver de la joie, de trouver de fortes raisons d’espérer et le courage de contribuer à l’accélération de la transformation du monde qui sera altruiste, écologique et spirituelle. J’ai beaucoup apprécié le dernier livre du philosophe Jean-Philippe Pierron «  Méditer comme une montagne  », il y parle d’écologie spirituelle et d’une écologie de l’attention à ce qui nous entoure, une manière de retrouver le lien avec la nature et le vivant au sens large, prendre conscience de ce qui est. Il reprend à la fin de son livre cette strophe du poète soufi Rûmi que j’affectionne particulièrement :

Par moments, le vent récite un prêche.

Par moments, même les pierres se font écrivains et disent des paroles.

Les vents aussi prononcent des paroles avec des lettres.

Quant à la montagne, elle raconte avec une éloquence muette la réalité intérieure des choses.

Tous ceux et toutes celles qui, souvent par peur, ne souhaitent pas une réelle transformation du monde ont tendance à se replier sur des modèles passés et dépassés qui, je le crains, ne feront qu’accélérer les violences et les catastrophes.

J’ose croire en l’être humain, il a en lui une partie divine dont la puissance d’amour est d’une force à déplacer les montagnes. Nous sommes, si nous nous y connectons, ne serait-ce que quelques minutes par jour, capables de créer, de transformer et de purifier au-delà même de ce qui est imaginable. Et si par ailleurs, nous avons le désir de rendre à la terre ce qu’elle nous a donné, cette énergie se multiplie encore et nous rend capables de merveilles.

Aucune religion n’a sauvé le monde jusque-là, mais dans chacune d’entre elles, des êtres œuvrent pour la paix et la justice, des sages transforment le monde par leur amour ou leurs prières, des justes sont présents aux plus souffrants. L’important est d’aller toujours plus loin dans la compréhension du message transmis, d’aller toucher son origine divine ou cosmique, de le contempler et le laisser se dilater dans tout son être. Incarnation de la parole divine.

Il y a beaucoup de maîtres spirituels, mais finalement, c’est chacun et chacune d’entre nous qui invente son propre chemin pour trouver son unité et choisit la religion ou les rites qui lui conviennent, en respectant plus que tout son rythme intérieur. Il est bon de s’écouter pour comprendre la mission que nous avons sur terre, aussi simple qu’elle nous paraisse.

«  Chacun a été créé pour un travail particulier et le désir pour ce travail a été mis dans chaque cœur.  » Rûmi (encore  !)

Aider, soigner, enseigner, comprendre, prier, créer, écouter, poser des actes de justice, tisser des liens, accompagner, mettre en lumière les talents des autres, apaiser, dénoncer, rendre la dignité, ou simplement contempler. Il nous faut choisir, nous aimerions tout embrasser et réaliser tant de choses, mais ce n’est pas forcément notre mission. C’est certainement collectivement que nous pouvons réaliser une mission plus grande encore, à condition que chacun ou chacune s’y retrouve.

Nous pouvons avoir une idée assez juste de la mission qui est la nôtre et quelques difficultés à la mettre en œuvre, tant que nous ne l’avons pas choisie avec la totalité de notre être, corps, âme et esprit. C’est une question de posture.

Il y a pour moi, au-delà des missions, des postures spirituelles que je souhaite dessiner. Parmi toutes celles qui existent et peut-être que je ne connais pas, je m’arrêterai aujourd’hui sur trois d’entre elles : l’artisan de paix, le bon samaritain et le guerrier spirituel.

L’artisan de paix a compris qu’en faisant la paix en lui-même, adoptant systématiquement une attitude non violente vis-à-vis de ses propres contradictions intérieures, pouvait diffuser la paix autour de lui. Sa légitimité est alors décuplée pour dénoncer les actes violents ou d’injustice, nommer les peurs qui y conduisent et poser des actes innovants pour une paix durable entre les êtres, et plus largement avec le vivant et la terre.

Les artisans de paix sont des êtres en mouvement, "animés" au sens étymologique du terme, ils participent à l’œuvre de création du monde et de l’harmonie des peuples.

«  Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu  » Evangile de Matthieu chapitre 5 Chouraki a une traduction plus dynamique encore : «  En marche les faiseurs de paix, ils seront criés fils d’Elohim  »

Le bon samaritain n’attend pas de retour quand il donne, il a compris que la vie était un don magnifique qui lui a été fait. C’est pour célébrer la vie qu’il donne sans compter. Entre mille, il repère celle ou celui qui a besoin d’aide et est prêt à tout pour panser sa blessure physique ou morale. Par son geste, il se sent grandi et se guérit aussi lui-même.

La bonne samaritaine est assise au bord du puits à l’heure la plus chaude, elle est prête à étancher la soif de l’étranger qui n’a pas de quoi puiser. Elle ne sait pas qu’en donnant à boire à Jésus, elle va étancher sa propre soif spirituelle et apaiser ses souffrances.

«  Celui qui boira l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif et elle deviendra en lui une source jaillissant en vie éternelle  » Evangile de Jean Chapitre 4

Il y a dans la posture de ces hommes et femmes une réserve d’amour infini qui dérange quelque fois "pourquoi tant de bonté  ?" mais invite à la gratitude par un merci ou un geste qui touche l’âme. Le bon samaritain ou la bonne samaritaine s’élève encore quand il ou elle accepte avec simplicité le merci qui lui est donné, il pourra renvoyer ce merci à l’univers ou à son Dieu et faire de son don une offrande.

«  Que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret  » Evangile de Matthieu chapitre 6

Les armes du guerrier spirituel sont le silence et la méditation, la bienveillance et la compassion pour tous les êtres vivants. Le guerrier spirituel révèle ce qui est beau et bon autant dans l’univers que dans ses rencontres. Il se nourrit de ce qu’il voit pour le mettre en lumière, le répandre autour de lui et bien au-delà.

«   Tu me ceins de force pour le combat  » Psaume 17

Il puise sa force dans le Souffle Originel, c’est une force créatrice et de transformation. Il se rend présent et a une conscience aigue de ce qui est. Nul besoin pour lui d’aller vers les autres, ils viennent à lui tant sa lumière diffuse. Le guerrier spirituel prend chaque matin le chemin de la sagesse.

«  Mets-toi debout et deviens lumière, car elle arrive, ta lumière : la gloire du Seigneur s’est levée sur toi…. Tu verras, tu seras rayonnante, ton cœur frémira et se dilatera.  » Livre d’Esaïe, chapitre 60

Telle est la beauté de l’humanité et des postures qui transforment le monde. Heureux et heureuses sommes-nous de pouvoir revêtir ses postures et mettre en œuvre concrètement la mission qui nous est propre.

Il y encore bien d’autres postures spirituelles dont certaines sont plus élevées encore. Je connais des amoureux, des anges et des âmes pures, des artistes et des fous de Dieu, des êtres de lumière et des enfants de Dieu. J’émets le souhait que nous osions rayonner et aimer pour faire naître l’espoir du chaos de la terre.

Qui me connait mieux que toi  ? - Psaumes insolites - d’après le psaume 139

Tu connais mon âme, Seigneur,

Je la découvre comme une part de moi-même  ;

Exposée aux vents de la vie, mais confiante,

Elle cherche en toute chose un signe de toi.

 

Tu la fais danser en moi

Et mon esprit s’émerveille,

Tu glisses en moi une joie intérieure

Que nul ne peut me prendre.

 

Dans le silence, mon âme s’est ouverte

Et je sens ta présence,

Mon esprit s’éveille et mon regard change,

Je vois le monde avec d’autres couleurs.

 

Tu connais mon cœur et le protège,

Dans le flot de mes émotions, tu es là,

Dans ma faiblesse, tu me rejoins,

Tu m’invites à la bonté envers moi-même.

 

Où que je marche, tu me suis,

Tu mets tes pas dans les miens,

Je m’ouvre à la compassion et à la bienveillance,

Rien n’est plus grand que l’amour.

 

Quand mon corps est fatigué et mon esprit perdu,

Encore une fois tu prends soin de moi :

Comme une mère avec un enfant dans ses bras,

Ta tendresse m’enveloppe et me rassure.

 

Comment t’échapper si tu es l’Amour  ?

Comment te fuir si tu es Souffle de vie  ?

Avant toute vie sur terre, tu étais,

Tu as choisi pour moi une place.

 

Je reconnais le miracle de la vie,

Chaque matin, j’en rends grâce,

Ce qui me semblait sombre devient lumière,

Même les obstacles s’effacent devant moi.

 

Seigneur, tu connais chacun de mes gestes

Et les élans de mon cœur,

Montre-moi le chemin que je peux prendre,

Je poserai un acte de justice et de paix.

 

Si tu pouvais mettre fin à la violence,

Si chaque être était aimé pour ce qu’il est,

Alors notre vie serait à la hauteur de tes attentes

Et notre amour comme un reflet de ta bonté.